Céréales Limiter l’accumulation de cadmium dans les grains de blé dur
Le blé dur est la céréale la plus accumulatrice de cadmium, un élément trace naturellement présent dans le sol et toxique pour l'Homme.
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Le cadmium (Cd) est un élément métallique trace qui ne se dégrade pas une fois dans l’environnement. Toxique pour l’Homme, il est classé cancérigène. Après le tabac, la principale source d’exposition de la population à cet élément est l’alimentation, dont le blé dur est un contributeur majeur, à travers la consommation de produits céréaliers (pâte, semoule notamment).
« La plante absorbe les oligoéléments en même temps que les éléments non essentiels comme le cadmium, qui sont distribués dans les différents organes du végétal, et se retrouvent dans les parties consommées », explique Christophe Nguyen, directeur de recherche à l’Inrae de Bordeaux.
Réglementation durcie
En août 2021, la réglementation européenne imposant la teneur maximale des contaminants dans les produits récoltés s’est durcie, passant pour le blé dur de 0,2 mg Cd/kg à 0,18 mg Cd/kg. « Le règlement prévoyait d’abaisser le seuil à 0,1 mg Cd/kg, mais cela aurait entrainé un taux de rejet de 22% des parcelles, ce qui était rédhibitoire. Au nouveau seuil de 0,18 mg Cd/kg, on estime qu’en moyenne en France, 5% des parcelles de blé dur seraient non conformes », indique le scientifique.
Dans certaines régions, ce taux de rejet dépasse 10 voire 15 %, comme en Eure-et-Loir, Loir-et-Cher ou Charente-Maritime. « Cela est lié à la formation du sol, certains calcaires sont particulièrement riches, le cadmium se substituant au calcium, rapporte Christophe Nguyen. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont riches que le cadmium sera disponible : la contamination des cultures dépend de l’interaction entre les propriétés physico-chimiques du sol et de la variété.»
Des leviers pour freiner les contaminations
« En cas de risque de non conformité sur une parcelle, la première chose à faire est un diagnostic, avec une analyse du cadmium total, » conseille Christophe Nguyen.
Les agriculteurs peuvent anticiper en actionnant plusieurs leviers. Le risque de contamination du blé dur diminue par exemple à partir d’un pH à 6,5. « Il faut éviter de descendre en dessous de ce seuil, en prenant garde à ne pas trop le remonter pour éviter de bloquer d’autres éléments », indique l’expert. Il conseille par ailleurs de réfléchir aux pratiques de fertilisation (voir encadré). Un sol trop pauvre en matière organique peut par ailleurs être préjudiciable.
Mais le principal levier reste variétal : certaines variétés sont en effet moins accumulatrices de cadmium que d’autres. « On explique cela par la présence d’un gène, Cdu1, qui favorise le transfert du cadmium vers les racines, réduisant son transport vers les parties aériennes et donc le grain », décrit Christophe Nguyen. Un travail de caractérisation de la présence ou absence de ce gène dans les variétés de blé dur cultivées en France a été entrepris avec Arvalis.
« Cela nous a permis d’établir un classement, rapporte l’expert. Aux extrêmes du spectre, on trouve par exemple la variété Relief, fortement accumulatrice, au contraire d’Anvergur, qui, elle, présente ce gène favorable. » L’étape ultime, selon lui, serait que les sélectionneurs ne produisent que des variétés faiblement accumulatrices, à l’image de ce que fait le Canada, premier exportateur mondial de blé dur.
« Quand la première réglementation a été mise en place et que les Canadiens ont craint que leur production ne passe pas la norme européenne, ils ont beaucoup travaillé sur l’accumulation. Ils ont notamment identifié ce gène Cdu1 », décrit le scientifique.
Bléssûr, un outil de prédiction
Forts de ces connaissances, l’Inrae et Arvalis ont développé Bléssûr, un outil visant à prédire le risque que la teneur en métaux du grain dépasse le seuil réglementaire. « Nous avons d’abord enquêté des agriculteurs sur les bassins de production du blé dur, puis récupéré des échantillons et de terre et de grain dont nous avons mesuré la teneur en métaux », décrit Christophe Nguyen.
Disponible gratuitement en ligne, l’outil prend en compte plusieurs variables, telles que la teneur en cadmium et en carbone organique du sol, le pH, les variétés. « Si l’agriculteur ne connaît pas la teneur en cadmium de son sol, il peut localiser sa parcelle dans l’outil et obtenir une estimation par interpolation des mesures effectuées dans le réseau », poursuit l’expert. Ce modèle fonctionne également sur le blé tendre, dont la teneur en cadmium ne doit pas dépasser 0,1 mg Cd/kg.
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